Ouvrez les guillemets - le Bottom Théâtre

Le Bottom Théâtre développe la manifestation Ouvrez les guillemets depuis 2014.

Ouvrez les guillemets… rassemble des auteurs d’aujourd’hui, des artistes et des publics participants, autour d’écritures et de lectures vivantes. Il s’agit au rythme des quatre saisons, de mettre en place une forme originale, spécifique, inspirée par la singularité des auteurs comme par les désirs et les besoins des publics concernés.
Il s’agit de rencontrer des auteur(e)s et leurs œuvres, d’entamer un travail d’écriture avec des groupes spécifiques, en relation avec des lieux choisis, puis de confier ces textes, naissants ou aboutis, à des metteurs en scène et à des acteurs afin qu’ils travaillent leur mise en espace et les transforment en un moment de partage public.

 

 

Ce blog est dédié au partage des différentes saisons d’Ouvrez les guillemets.
Pour plus d’informations concernant la compagnie, rendez-vous sur notre site internet : www.bottomtheatre.fr


Juin Juillet Août 2019 - Marion Guilloux - Avec La Luzège en Corrèze

Après une formation de comédienne et de clown, Marion Guilloux, née en 1990, se consacre plus spécifiquement à l’écriture et travaille en tant que dramaturge pour différentes compagnies de théâtre.

Elle est lauréate du Prix du Jeune Écrivain 2017 avec sa nouvelle Mister Lonely.

Sa pièce Les Poussières de C. reçoit le Prix Hypolipo, décerné par la maison des écritures transmédias (M.E.E.T) à Orcet (63) en 2017, année de création du Prix.

En 2018, sa pièce Aire de repos : La Forêt fait partie des textes nominés pour le prix Laurent Terzieff-Pascal de Boysson, organisé par le théâtre du Lucernaire. Ce texte est aussi en lice pour le Prix Esther 2019.

En parallèle, elle donne des ateliers d’écriture et cours de théâtre auprès des enfants et adolescents en banlieue parisienne et à la Comédie Nation (Paris 11e).

Avec le collectif Champ libre, elle travaille à la création du Festival CHAMP LIBRE (festival de création émergente et pluridisciplinaire) qui voit le jour en 2015 à Saint-Junien, prêt de Limoges.

Elle a mené son atelier "Ouvrez les Guillemets... avec les jeunes gens accueillis au sein de la classe relais de Brive en juin 2019. Les textes écrits sous sa conduite ont été lus et portés par les comédiens du Festival de la Luzège en Corrèze le samedi 10 août au Roc du Gour Noir.

TEXTES ÉCRITS PAR LES JEUNES GENS DE LA CLASSE RELAIS DE BRIVE ET NOTES DE MARION GUILLOUX

 

Dimitri - JOUR 1

 

 

 

 

Texte 1/ Acrostiche

 

 

Dauphin

 

Inutile

 

Mairie

 

Illustrer

 

Travail

 

Rue

 

Intéressant

 

 

 

Texte 2/ Phrase

 

 

La  mairie travaille sur les dauphins inutiles et il trouve que c’est intéressant.

 

 

 

Texte 3/ Travail sur le personnage

 

 

On m’appelle Rachid.

 

J’ai 14 ans.

 

J’ai deux signes particuliers dont ma cicatrice.

 

Je suis particulièrement doué pour jouer à la play.

 

Mais on me reproche que je joue trop à la play.

 

On peut me croiser à Brive.

 

Mais on ne me verra jamais en campagne.

 

 

 

Biographie :

 

 

18 février 2005.

 

Né et mort à Brive.

 

Je travaille en mécanique.

 

J’ai vécu à Brive.

 

Mon meilleur pote s’appelle Mahmoud.

 

Ma mère Rachida, mon père Sébastien et mon frère Ethan.

 

 

 

 

Texte 4/ L’héritage

 

 

Aujourd’hui, j’ai touché le jackpot parce que j’ai gagné au Loto. Je m’achète une villa et une Lamborghini et je fais des dons à des enfants malades. Sauf qu’après, il y a des gens qui me demandent de l’argent. Mais je ne leur passe pas car je ne les connais pas. Du coup, le lendemain ils reviennent avec des armes et ils me menacent : si je ne donne pas l’argent, ils me tuent. Je refuse et du coup, ils me prennent et m’emmènent dans une cave. Ils me séquestrent. Ils demandent encore l’argent et je refuse, du coup, ils me mettent une balle dans la jambe et ils m’enterrent vivant.

 

 

Un paysan a vu ce qu’il se passait. Il attend qu’ils partent et il va chercher une pelle dans son camion pour m’aider à sortir du trou. Trois minutes après, il commence à creuser et il me déterre. Une fois sorti, le paysan m’emmène à l’hôpital. Une semaine après, je sors de l’hôpital. Je rentre chez moi, sauf que je me fais cambrioler. Heureusement que j’avais caché l’argent dans mon grenier. Je monte, je prends l’argent et je pars à l’armurerie m’acheter une arme.

 

Je cherche ceux qui m’ont enterré.

 

Deux jours après, je les retrouve et je les tue.

 

Trois jours après, à 6h00 du matin les flics sonnent à la porte. J’ouvre. Les flics me tiennent et me mettent les menottes. Ils m’emmènent chez le juge, puis ils me mettent quinze ans d’emprisonnement.

 

 

Je me retrouve en prison.

 

Je me tiens tranquille pendant 8 ans et demi pour sortir avant.

 

Je sors de prison avec un bracelet à la jambe et je me tiens tranquille jusqu’à la fin de ma vie.

 

Lucas - JOUR 1

 

 

 

Texte 1/ Acrostiche

 

 

Lecteur de livre

 

Uber eat c’est un travail

 

Classe relais dans une maison

 

Acteur de comédie

 

Scolaire apprendre en cours

 

 

 

 

Texte 2/ Phrase

 

 

Acteur de comédie qui fait des films comiques. Il fait rigoler les spectateurs.

 

 

 

Texte 3/ Travail sur le personnage

 

 

On m’appelle Pablo.

 

J’ai 32 ans.

 

J’ai 2 signes particuliers : une cicatrice et un bouton.

 

Je suis particulièrement doué pour emballer les filles.

 

Mais on me reproche souvent de mal parler.

 

On peut me croiser sur la lune.

 

Mais on ne me verra jamais en ville.

 

 

 

Biographie :

 

 

1/01/1987

 

Lieu de naissance : Marseille

 

Ce qu’il a fait : Braquer une banque à Marseille.

 

Sa femme et ses amis.

 

Toute sa famille est morte. Il ne reste plus que son frère Pablito.

 

 

 

 

Texte 4/ L’héritage

 

 

Aujourd’hui j’ai touché le jackpot parce que j’ai braqué une banque. Je me suis fait 1 million. Je suis parti à Phuket une semaine. Je me suis payé une villa et j’ai dépensé la moitié de sous. A mon retour, je me suis fait perquisitionner dès le lendemain matin et je suis rentré à Saint-Martin pour 20 ans.

 

 

Je me présente, je m’appelle Pablo Escobar. J’ai une femme et un enfant. Je suis né le 1er janvier 1987. J’ai 32 ans, j’habite à Marseille. Mon père et ma mère sont morts dans un braquage. Ils se sont fait tirer dessus. Ça fait déjà 3 ans. Il me reste plus que mon frère Pablito Escobar. Il a 25 ans. Il né le 11 août 1994 à Marseille dans une cité. Mon frère est en prison maintenant pour trafic de stup’ aux Beaumettes. Ça fait 3 mois. Il a pris 2 ans.

 

Je ne travaille pas et je me prépare à faire une braquage pour ne plus galérer.

 

 

 

Le 11/09/2019

 

 

Aujourd’hui, j’ai touché le jackpot parce que j’ai braqué une banque. Je me suis fait un million. Je suis parti à Phuket avec ma femme et mon enfant. Je me suis payé une villa avec une grosse piscine jacuzzi et j’ai dépensé la moitié des sous. J’ai passé de bonnes vacances mais malheureusement, à mon retour, le lendemain matin à 6h, je me suis fait perquise. Ils m’ont emmené au commissariat de Marseille pour m’auditionner. Je suis resté 48 h en GAV et après je suis rentré à la prison de Saint-Martin. J’ai pris 20 ans. C’est dur. 10 ans c’est déjà c’est long. Imaginez-vous 20 ans comment c’est long !

 

 

 

20 ans après, enfin la liberté !

 

Je rentre dans ma cité. Je n’ai plus de femme. Aucune nouvelle.

 

Elle ne m’a même pas appelé quand j’étais en prison. Même moi, je ne comprends pas, mais bon.

 

Je vais voir mon shrab. Il me passe du shit pour vendre et me dit : « T’as deux semaines pour écouler les 3 kilos. »

 

 

Je rentre chez moi, je vois la BAC. Je taille. J’étais à deux rues de chez moi. Je pars en courant chez moi. Je rentre, je ferme à clef, je prépare mes affaires et je pars de chez moi. Je vais bicrave mes trois kilos. Une fois les avoir vendu, je vais donner les sous. Je lui dis comme quoi je vais arrêter. Que je vais trouver un bon plan.

 

 

J’ai trouvé un bon plan. Je m’apprête à le faire. Un gars m’a dit qu’il voulait me vendre dix kilos de cocaïne. Je vais aller lui carotte ses dix kilos. Il m’a donné rendez-vous ce soir à 23h32. Je vais y aller avec un Beretta 70.

 

Deux heures après, il est 23h. Je m’apprête à partir. Je vais sur le point de rendez-vous. Je l’aperçois arriver. Je vais vers lui. Il est avec 4 gars. Je lui mets le Beretta sur la tête. Je lui dit : « Donne-moi la cargaison. »

 

Son pote me met le gun sur la tête et me dit : « Donne-moi les sous. »

Je lui réponds « Je n’ai pas les sous. » Et il me met une balle dans la tête.

 

Sylvain - JOUR 1

 

 

 

Texte 1/ Acrostiche

 

 

Le sable est chaud.

 

Le yaourt est à la fraise.

 

Le livre est intéressant.

 

Les vacances sont cool.

 

L’ange part en vacances sur une île.

 

L’île est déserte.

 

La noisette est dure.

 

 

 

 

Texte 2/ Phrase

 

 

L’ange part en vacances sur une île loin du Paradis pour se changer les idées.

 

 

 

 

Texte 3/ Travail sur le personnage

 

 

On m’appelle le loup.

 

J’ai 22 ans.

 

J’ai deux signes particuliers : j’ai un tatouage et des ailes.

 

Je suis particulièrement doué pour voler.

 

Mais on me reproche souvent d’être flemmard.

 

On peut me croiser à plusieurs endroits.

 

Mais on ne me verra jamais dans l’espace.

 

 

Il est immortel.

 

Il a vécu au Paradis.

 

 

 

Texte 4/ L’héritage

 

 

Aujourd’hui, j’ai touché le jackpot. J’étais sur une île et en me promenant sur cette île, j’aperçois un objet sortir du sable. Je regarde ce que c’est, c’est une mallette remplie de billets. Mais cette mallette est à des démons. Donc je prends cet argent et je vais le cacher. Mais je tombe sur les démons. Je m’envole pour leur échapper. Les démons ont une lame des ténèbres qui peut me renvoyer au Paradis définitivement. Je vais à Dubaï pour les fuir.

 

Deux semaines plus tard, je vis ma vie et soudain, les démons sont à ma recherche dans toute la ville. Je cherche un plan pour pas qu’ils me retrouvent. J’ai enfin une idée. Je vais changer d’apparence pour pas qu’ils me reconnaissent.

 

Quelques jours plus tard, je croise les démons. Ils me demandent si je n’ai pas vu cet homme, mais cet homme, c’est moi.

 

 

Après avoir croisé les démons, je me mets à paniquer et je me précipite chez moi pour voir si la mallette est encore cachée. Arrivé chez moi, je cours direct dans la salle de bain. La mallette est toujours là.

 

On toque à la porte, je regarde à travers le judas : ce sont les démons.

 

Je remets vite la mallette à sa place. Je leur ouvre et ils me disent : « Nous avons perdu une mallette pleine d’argent. Si vous savez quelque chose, dites-le nous. »

 

Je deviens pâle et leur dit  « Non » en bégayant un peu.

 

Ils me regardent férocement et s’envolent.

 

 

Je cherche comment les esquiver pour ne pas retourner au Paradis.

 

Ils savent que c’est moi qui ai la mallette. Je commence à halluciner.

 

Je vois des démons partout.

 

 

Un jour, je me promène et cette fois les démons me prennent dans une ruelle sombre et me menacent. Je dois leur rendre sans 1 euro en moins.

 

Faut que je parte de la ville pour ne pas être suspecté.

 

Valentin - JOUR 1

 

 

 

Texte 3/ Biographie du personnage

 

 

Adam a actuellement 27 ans. Il est né le 2 février 1992.  Il a fait des études à Lille pour devenir banquier.

 

 

 

 

Texte 4/ L’héritage

 

 

Aujourd’hui, j’ai touché le jackpot. Un oncle que je ne connaissais pas du tout m’a légué une fortune. Ce qui est très bon pour mon business qui est l’investissement. Je suis un malin, grâce à l’héritage du fameux oncle qui est mort, je touche un demi-million que j’investis pour faire une arnaque : un client vient déposer par exemple 5000 euros avec 50% d’intérêt, donc un mois plus tard, le client aura 7500 euros. Bref, pendant deux mois tout se passe bien. Je donne les intérêts à tous mes clients et j’ai plus de 3,6 millions d’euros à la banque.

 

 

Je viens de finir la discussion avec le dernier client de la journée. Je décide d’appeler un contact pour qu’il me prépare un faux passeport et une fausse carte d’identité. Il me répond qu’il y a un problème, qu’il me rappellera dans quelques jours.

 

Les journées passent, puis une nuit, vers 5h du matin, je reçois un appel. C’est lui.

 

Il me dit : « Rendez-vous à 23h au Ibis Budget, rue de Courtrai, chambre 126, avec 100 K d’argent. « Puis il raccroche.

 

 

Ma journée se passe bien. Il est 18h30, la banque ferme à 19h15, il n’y a plus que moi. Je fais un virement du compte principal de la banque jusqu’à un compte logé au Maroc. J’étais devenu MI-LLIO-NAIRE !!! J’avais aussi pensé à garder 125 K en liasse de billets de 200 euros. Il est 22h30. Il reste 30 minutes avant le rendez-vous avec mon contact.

 

Je me prends une chambre, la 112, le temps de patienter.

 

 

Je sors de ma chambre. Il est 23h. Je rejoins mon contact dans la chambre 126. Je lui donne la mallette, il me donne mon nouveau passeport et ma nouvelle carte d’identité. Je le remercie et sors en ayant une nouvelle vie.

 

 

Je m’appelle maintenant Tom Cruise.

 

 

Quelques heures, j’apprends que ma tête est mise à prix à 90 000 euros. Je suis recherché de partout. Tous les quartiers veulent ma tête mais je suis plus malin qu’ils pensent. Je prépare un plan pour ne pas me faire attraper.

 

 

 

Yohan - JOUR 1

 

 

 

Texte 1/ Phrase d’après l’acrostiche  

 

 

 

Nike le hibou avec ton arme.

 

Le hibou porte une arme.

 

Le yoga libère les organes du hibou.

 

 

 

 

Texte 2/ Phrase

 

 

Le hibou porte une arme pour se défendre dans la cité. Il a peur de tomber sur plusieurs personnes et de se faire tabasser.

 

 

 

 

Texte 3/ Travail sur le personnage

 

 

Je m’appelle Yohan.

 

J’ai 14 ans.

 

J’ai 2 signes particuliers : ma bague et je suis particulièrement doué pour la moto. Mais on me reproche souvent d’être casse-couille.

 

On peut me croiser à Bordeaux.

 

Mais on ne me verra jamais en Afrique.

 

Je suis né à Bordeaux le 30 février 2004.

 

 

 

 

Texte 4/ L’héritage

Aujourd’hui, j’ai touché un très gros héritage de mon oncle. Une grosse villa à Las Vegas et plus de 2 millions d’euros. C’est grave cool.

 

Sauf que les problèmes sont vite arrivés.

 

J’ai dépensé sans compter. A un moment, j’ai voulu acheter une belle Mercedes, sauf que je n’avais plus assez. Je me suis dit : « C’est pas grave. » Du coup, j’ai fait un emprunt, puis deux, puis trois.  Sauf que je ne pouvais pas rembourser. Du coup, j’ai perdu ma villa, ma voiture.

 

J’ai tout perdu et les problèmes sont arrivés.

 

Je suis parti vivre à la cité et un jour, je suis tombé sur trois personnes à qui je devais de l’argent. Je ne pouvais pas les payer du coup ils m’ont tabassé et je suis parti à l’hôpital. 

 

Ils m’ont tabassé car, lors d’une soirée poker à Las Vegas, j’avais sympathisé avec les gars. Je n’avais plus de sous du coup je leur ai emprunté 500 euros chacun.

 

Deux jours passent et je tombe sur eux. Ils me disent : « Tu as notre argent ? »

 

Je leur dit : « Non, dans une semaine. »

 

Je ne les ai jamais revu.

 

 

Je recevais des messages qui me disaient : « On va te retrouver ! »

 

Pour moi, ça n’avait pas d’importance vu que j’étais parti de Las Vegas.

 

 

Le temps passe et un jour je retombe sur les trois gars…

 

Trois jours de coma plus tard, je me réveille et les médecins me disent que je pourrai sortir dans un jour. Enfin sorti, je décide d’appeler deux de mes potes pour me venger. Je les appelle et leur dit de venir à 22h00 à la porte du hall de ma tour.

 

 

Ils sont à l’heure, on se dirige vers le bâtiment n°7.

 

Les trois gars sont devant.

 

J’ai dit à mon pote de sortir son pétard et de tirer une balle pour les provoquer.

 

Ils nous voient, arrivent à notre hauteur et ça part en couille.

 

 

La baston se finit et je rentre chez moi sans rien de trop grave. Pareil pour mes potes. Plusieurs jours passent et on réfléchit avec mes potes pour coincer les trois gars. L’idée serait de passer discret derrière le bâtiment pour les prendre par surprise et les niker.

 

Le jour où on voulu le faire, je ne sais pas. Ça ne s’est pas passé comme prévu.

 

Un gars nous a vu et nous a tiré une balle dans la tête.

 

 

 

 

 

 

« Brive La Galère »

 

 

 

 

Le premier jour, ils arrivent, pas réveillés, la gueule enfarinée même.

 

Cachés sous leurs capuches, ils te serrent la main, vite fait, sans vraiment te regarder dans les yeux.

 

Ils ne te connaissent pas, on n’est pas là pour faire amis-amis tout de suite.

 

 

 

Je leur dis qu’eux et moi on va se parler d’écriture et ça les fait marrer. Bien sûr qu’ils n’aiment pas ça, écrire. A part des textos.

 

Je leur dis que c’est un bon début et je vois l’œil qui commence à briller : l’écriture c’est pas forcément l’école et la punition.

 

Ça peut aussi avoir à voir avec leurs vies à eux. Leurs vies merdiques et sans futur-ce qu’ils croient-et j’aimerais vraiment qu’ils pensent autrement.

 

Mais c’est pas gagné.

 

Vraiment pas.

 

Et puis, je suis qui moi, pour faire la promotion de l’optimisme débilitant ?

 

 

 

On fait les présentations.

 

Vite fait.

 

Ils n’ont rien à dire.

 

Ils sont élèves en classe relais et basta.

 

Qu’est-ce qu’ils pourraient bien raconter de plus, sérieux ?

 

 

 

Il y a Lucas, Yohan, Dimitri, Sylvain. 1h30 plus tard, il y aura Valentin.

 

Il ne s’est jamais couché, alors il a pas entendu son réveil. C’est quoi le problème ? La vie c’est la liberté, et basta.

 

 

 

Ils ont entre 13 et 15 ans (Bientôt 16, Madame !) Ils fument comme des pompiers, même moi je ne tiens pas le rythme. Ils ont le teint blême, tous pas bien gros-à part Yohan qui aime bien manger-ses parents tiennent un resto. Lui, on se fout de sa gueule parce qu’il vient de la campagne et qu’il ne parle que de la cité. Les autres, ce sont des vrais : ils habitent à Brive ou pas loin, ils ont vu la vie.

 

On ne la leur fait pas à l’envers.

 

Alors, qu’est-ce que t’as à répondre à ça ?

 

 

 

Mais sous leurs airs de petits durs, il y a parfois des regards d’enfants rêveurs, d’enfants absents. Enfants du bout du monde qui n’ont pas trouvé le chemin pour rentrer chez eux et qui ont perdu leurs baskets sur la route.

 

 

 

Au milieu de cette bande de garçons, il y a Sophie, leur animatrice, leur auxiliaire de vie, leur maman. A ce rythme-là, j’ai envie de l’appeler Wendy, tellement sa vie, c’est la leur.

 

Leurs problèmes, ce sont les siens.

 

Il n’y a pas vraiment de frontières.

 

Pour ses enfants perdus, elle se démène.

 

 

 

Enfin,

 

Plus maintenant.

 

Parce que tout ça la déprime : pas de subventions, cloisonnés dans une baraque pourrie au milieu de nulle part. Pas d’eau chaude, une table de ping-pong refourgué par le collège du coin. Pas de projets, pas d’initiatives. Elle pète un plomb.

 

Ici, on l’empêche de tout. Et c’est vrai qu’à l’écouter, ce monde où on les enferme, elle et les enfants, donne un peu envie de crier.  

 

 

 

 

 

1er jour

 

 

 

Ils sont cinq autour de la table. Ils ont entre 13 et 16 ans. Tous, ils ont des vies compliquées. Des vies qui ne sont pas de leur âge, et pourtant, ce sont bien les leurs. L’après-midi de la première séance que nous passons ensemble, je leur propose d’écrire une histoire autour de l’héritage. L’héritage en tant que jackpot. Qu’est-ce qu’on fait quand on touche un million ? On décide d’écrire une série en trois épisodes. Chacun la sienne et en tentant de respecter au maximum les arcs narratifs. L’idée c’est qu’ils puissent construire une histoire en partant de leurs univers. Je m’aperçois que ces univers diffèrent de peu. Vraisemblablement sombres, désespérés. Beaucoup de violence, de Beretta 70 et de morts. Pour certains, la réalité vient même s’immiscer entre les lignes. Mais peu importe la vérité, ici, ce qui les protègent, c’est la littérature. La leur. 

 

 

 

 

DIMITRI : Madame, comment on écrit «  A l’aide ? »

 

 

 

 

A propos de la prison / Travail autour d'un scénario : « L’héritage »

 

 

 

LUCAS : Ah ouais j’ai oublié de détailler j’aurais dû mettre : « 20 ans après, enfin la liberté, j’ai 52 ans. » Eh ouais frère, t’as vu ? Comme ça, je claque des doigts, je sors et j’ai 52 ans.

 

 

VALENTIN : Ça va.

 

 

MARION : C’est fort quand même la littérature.  

 

 

YOHAN : Tu pourrais détailler ce qui se passe en prison.

LUCAS : J’ai mis quoi ? J’ai mis « 20 ans c’est dur, déjà 1 an c’est long. Imaginez-vous 20 ans comment c’est long. » J’ai mis ça.MARION : Mais c’est vrai que Yohan a raison, tu pourrais nous raconter ce qui se passe en prison

YOHAN : T’imagines, raconter vingt ans de prison !

 

LUCAS : Mais qu’est-ce qu’il m’parle, mais toi tu crois trop ! Si tu crois des trucs comme ça, va à Uzerche. Tu crois les prisons c’est des trucs comme ça ? Que les gens ils se prennent des grosses beignes et tout ? Les gens si ils ont envie de baiser eh bah ils s’en battent les couilles. Genre la vie de ma mère, en plus c’est vrai, tu crois quoi, les gens en prison ils sont pas gays, ils ont juste envie de baiser.

 

 

VALENTIN : Non mais c’est chaud quand même.

 

 

SYLVAIN : Comme dans « Le détenu ».

 

 

DIMITRI : Ah ouais !

 

 

LUCAS : Par contre les virgules et tout, faudra les mettre parce que j’ai mis trois points, c’est tout.

 

 

 

(Rires)

 

 

 

 

                                   *************

 

 

 

DIMITRI : Sophie ?

 

 

SOPHIE : Oui ?

 

 

DIMITRI : Si tu tues trois personnes, tu prends combien d’années de prison ?

 

 

SOPHIE : Ça dépend si t’as tué de sang-froid comme ça, des enfants, une femme…

 

 

DIMITRI : Non, trois personnes. C’est la vengeance.

 

 

 

                                   ************

 

LUCAS : On écrit combien d’épisodes ?  VALENTIN : Douze.

LUCAS : Non, mais en vrai. Là, je commence à plus avoir d’inspiration.

 

 

VALENTIN : Là, faut qu’on trouve l’élément perturbateur. Pour faire trois épisodes.

 

 

LUCAS : Ah ouais mais moi je peux pas faire trois épisodes ! Il meurt à la fin du deux.

 

 

MARION : Attends. Va pas trop vite. Essaye de développer tes idées.

 

 

 

                                   *****************

 

                       

 

LUCAS : Comment on écrit « bégayant » ? Je sais même plus où j’en suis. C’est pas grave si y a trop de blanco ?

 

 

DIMITRI : Moi j’ai fait pleiiins de fautes.

 

 

 

                                    ******************

 

 

 

LUCAS : « Je m’apprête à retourner en prison. » Le suspens. Il va faire quoi Pablo ?

 

 

VALENTIN : Moi j’arrive pas à trouver de problème à mon personnage. Dans la saison 2, il a un problème mais pour l’instant il a pas de problème.

 

 

LUCAS : Il se fait braquer.

 

 

VALENTIN : Mais non ! Il me faut un truc palpitant ! Me faire braquer c’est pfff…

 

 

LUCAS : Après là, dès qu’il retourne en prison, j’arrête ?

 

 

VALENTIN : Attends, il reprend 20 ans là ? Ça veut dire qu’il sort à 72 ans, il refait un braquage, après il a 100 ans et après il est mort.

 

 

LUCAS : Attends, j’ai mis quoi ? J’ai mis : « Je veux arrêter. Je veux trouver un bon plan. » Et voilà. Et je m’apprête à retourner en prison.

 

 

VALENTIN : Tu vas retourner en prison ?

 

 

LUCAS : Non mais regarde, parce que je sais que je vais faire un bon coup et je sais que je vais y retourner, tu vois.

 

 

SOPHIE : Mais tu veux pas trouver autre chose plutôt qu’il retourne en prison ?

 

 

LUCAS : Mais j’sais pas ! Tu veux que je mette quoi ? C’est Pablo, c’est un malade. C’est pas de ma faute.

 

 

VALENTIN : Tu pars à Bamako.

 

 

LUCAS : Même. Après ça fait trop film, moi je veux faire comme si c’était réel.

 

 

SOPHIE : Et du coup, tu penses qu’après 20 ans tu réfléchis pareil que quand t’es rentré la première fois ?

 

 

LUCAS : Bah ouais, moi je te dis que tu vas sortir 10 fois pire que ce que t’es quand t’es rentré. Bah si ! Tu prends 5 ans, ouais ok, tu prends 20 ans tu te dis tellement t’es loin …

 

 

SOPHIE : Au contraire Lucas.

 

 

LUCAS : Bah non, moi je prends 20 ans, je deviens malade. 20 ans de prison, tu te rends compte de ce que c’est ?

 

 

SOPHIE : Eh bah alors, t’as peut-être envie de passer à autre chose ? Tu vois la vie différemment, t’as eu 20 ans pour réfléchir hein euh… Pablo.

 

 

LUCAS : Bah ouais, mais y a des conséquences qui ont fait que… Voilà.

 

 

VALENTIN : Au pire, tu travailles pour un gars, t’as fait un mauvais coup et…

 

 

LUCAS : Mais non, t’es fou toi, moi je travaille pour personne.

 

 

MARION : Bon. On va lire pour voir où vous en êtes.

 

 

LUCAS : Sinon, je fais un braquage et je meurs dans les îles.

 

 

MARION : Ok Pablo. Raconte-nous l’épisode 2.

 

 

 

LUCAS : Vas-y. « 20 ans après, enfin la liberté !

 

Je rentre dans ma cité. Je n’ai plus de femme. Aucune nouvelle.

 

Elle ne m’a même pas appelé quand j’étais en prison. Même moi, je ne comprends pas, mais bon.

 

Je vais voir mon shrab. Il me passe du shit pour vendre et me dit : « T’as deux semaines pour écouler les 3 kilos. »

 

 

 

Je rentre chez moi, je vois la BAC. Je taille. J’étais à deux rues de chez moi. Je pars en courant chez moi. Je rentre, je ferme à clef, je prépare mes affaires et je pars de chez moi. Je vais bicrave mes trois kilos. Une fois les avoir vendu, je vais donner les sous. Je lui dis comme quoi je vais arrêter. Que je vais trouver un bon plan. »

 

 

 

MARION : Ok. Ce personnage, c’est quoi son problème ?

 

 

LUCAS : Bah il est trop fou.

 

 

MARION : Sa came à lui, c’est de se mettre en danger.

 

 

LUCAS : Ouais.

 

 

MARION : Qu’est-ce que ce serait pour lui une vie normale ?

 

 

LUCAS : Ça c’est une vie normale que je viens de dire. La prison.

 

MARION : Bon. Pause clope et après on se lance dans l’épisode 3.

 

 

 

 

 

 

2ème jour

 

 

 

Le deuxième jour, ils n’ont pas envie d’écrire. Alors, on parle, on rit beaucoup. C’est difficile de les faire parler de leurs familles respectives. Leurs jardins secrets sont vastes et douloureux. Les écrire ? Même pas en rêve, de toute manière ça n’intéresse personne. Et pourtant, au détour d’une phrase, d’une blague, j’entends des échos de leurs vies.

 

 

 

 

A propos de la famille / Travail autour de la mémoire

 

 

 

LUCAS : Quand t’es vieux, ça sert à rien de vivre.

 

 

MARION : Les autres, vous êtes d’accord avec ça ?

 

 

YOHAN : Tu restes en vie pour ta famille, pour tes proches.

 

 

LUCAS : Moi je voyais mon grand-père cloué au lit, laisse tomber. Il dort dans son lit…

 

 

VALENTIN : Moi je suis d’accord avec lui. A partir de 75 ans, c’est la merde. Après y a des personnes âgées, elles ont de la chance, mais à partir de 75 ans tu peux choper des maladies…

 

 

MARION : Vous êtes proches de vos grands-parents ?

 

 

YOHAN : Ouais.

 

 

LUCAS : Moi j’vois plus personne.

 

 

 

(Silence.)

 

 

 

                                               ****************

 

 

 

MARION : Ok, qui veut se lancer ?

 

 

YOHAN : Moi. J’ai mis : « L’héritage c’est la transmission de différentes choses qui viennent de personnes de notre famille, c’est aussi la transmission de valeurs et de l’éducation. »

 

 

MARION : Ok. Super. Mathilde ?

 

 

MATHILDE : Moi j’ai mis quoi ? J’ai mis : « L’héritage c’est une voiture, des photos de famille et une maison. » Et voilà.

 

 

SYLVAIN : Moi j’ai mis la même chose, enfin pas les mêmes mots, mais la même phrase. J’ai mis : « L’héritage c’est quand on récupère l’argent, l’éducation et la mémoire. »

 

 

VALENTIN : L’héritage ça peut être des dettes, la famille cachée, mais aussi des souvenirs.

 

 

MARION : Et qu’est-ce que c’est que votre héritage ?

 

 

LUCAS : Déjà on est né.

 

 

SYLVAIN : C’est nous l’héritage. Je suis l’héritage de ma famille car je vais réaliser leurs rêves ?

 

 

 

 

                                               *******************

 

 

 

 

MARION : On va essayer de réfléchir aux souvenirs d’enfance. Vous avez forcément des souvenirs d’enfance.

 

 

LUCAS : En vrai, j’ai oublié. Ça date sa mère !

 

 

MARION : Quelle mémoire vous avez de votre famille ? Des choses positives, négatives ?

 

 

MATHILDE : En positif, je suis partie en vacances à Mimizan avec ma mère et ma sœur et en négatif, quand mon père est rentré en prison.

 

 

VALENTIN : Un peu de tout. Quand on est allé à Disneyland Paris, c’était un souvenir de malade. A part Donald qui m’a fait peur le matin, mais c’est tout.

 

 

LUCAS : En positif, les vacances et en négatif les vacances à la mer. En Bretagne. J’ai fait 20 km pour avoir la Wifi ! En vrai, c’était la merde. C’est la campagne quoi !

 

 

SOPHIE : Raconte l’histoire du téléphone portable, c’est super marrant ça !

 

 

LUCAS : De quoi ? Ah ouaiiiis ! Genre j’vais me doucher et j’fais quoi ? J’sors de la douche et j’laisse mon bigo dans la douche. Et j’claque la porte fort et j’me dis « P’tain j’ai oublié mon tel ! » et j’vais et là, j’vois la porte elle est bloquée, tu vois, j’forçais, j’forçais, j’voulais la casser, j’arrive pas à l’ouvrir. J’pète un plomb et on m’dit « Non, non. » J’sais pas quoi, après on a appelé un gars, il est arrivé, et il a pris un marteau, il a tapé et c’est bon. Et on lui a donné 10 balles pour ça. Eh bah vas-y, moi aussi j’aurais pu le faire !

 

 

MARION : D’autres souvenirs marrants, comme ça ?

 

 

LUCAS : Vas-y c’est pas rigolo ! J’ai pas la Wifi, j’ai pas mon portable ! J’vais faire quoi moi ?! En plus, c’est la Bretagne ! Moi j’croyais que ça allait être stylé, on est arrivé et j’me suis dit : « C’est pas ça la Bretagne ! On a fait 7h de route pour ça ! » Franchement, j’voulais rentrer à pied.

 

 

 

(Rires.) 

 

 

 

VALENTIN : On peut dire des choses négatives aussi ?

 

 

MARION : Bien sûr.

 

 

VALENTIN : J’ai pas d’idées.

 

 

SYLVAIN : La séparation.

 

 

MARION : De tes parents ?

 

 

SYLVAIN : Ouais. Après je suis tombé malade.

 

 

VALENTIN : Moi aussi, comme Sylvain. La séparation.

 

 

DIMITRI : J’ai pas envie de raconter ma vie.

 

 

MARION : Tu sais, quand on écrit, on raconte toujours un peu sa vie.

 

 

LUCAS : Les gens ils s’en foutent de ta vie.

 

 

 

(Silence.)

 

 

 

 

                                    ************

 

 

 

LUCAS : Pourquoi y a écrit : « Fumer des joints. » au tableau ?

 

 

MARION : C’est Valentin. Ça fait partie de ses bons souvenirs en famille.

 

 

SOPHIE : Et qui c’est l’enfant caché ?

 

 

LUCAS : C’est Valentin.

 

 

 

(Rires.)

 

 

 

VALENTIN : En fait, j’suis pas un enfant caché, c’est ma famille, elle est cachée. Et moi je suis connu auprès de ma famille.

 

 

LUCAS : Ah ouais, toi t’es une star hein !

 

 

DIMITRI : C’est bon ? On peut aller fumer une clope ?

 

 

 

 

 

                                    ************

 

 

 

 

MARION : Qu’est-ce que vous aimez et qu’est-ce que vous n’aimez pas dans votre famille ?  Mathilde ?

 

 

MATHILDE : J’aime bien ma sœur.

 

 

MARION : Dimitri ?

 

 

            DIMITRI : Ma grand-mère.           

 

LUCAS : Moi aussi, j’aime bien ta grand-mère.

 

 

MARION : Lucas ? Qu’est-ce que t’aime pas dans ta famille ?

 

LUCAS : Bah… Partir en vacances.

 

 

MARION : Mais à part ça ?

 

LUCAS : J’sais pas.

 

 

SOPHIE : Et votre famille, elle se comporte comment ?

 

 

LUCAS : Y a pas de règles.

 

 

MARION : Et t’aimes ça ou t’aimes pas ça ?

 

 

LUCAS : Bah, j’fais ce que j’veux.

 

 

SOPHIE : Tu verras quand t’auras des enfants.

 

 

LUCAS : Bah, mon fils ce sera mon collègue. On fera ce qu’on veut. J’serai tout le temps avec lui.

 

 

SOPHIE : P’têtre qu’il voudra pas !

 

 

SYLVAIN : Tu lui feras honte peut-être.

 

 

            SOPHIE : Et du coup, toi, tu lui mettras des règles ?

 

 

LUCAS : T’inquiètes, ce sera un bonhomme ! Il fait ce qu’il veut. Enfin, ça dépend… A partir de… 13 ans, il sera un homme !

 

 

VALENTIN : Il fumera des gros oinj avec toi.

 

 

LUCAS : T’es ouf, j’fumerai plus déjà !

 

 

            MARION : T’auras arrêté de fumer ?

 

 

LUCAS : Bah ouais, les paquets ils vont monter à 20 balles ! Déjà là c’est 10 balles. En 2040 : 30 balles le paquet.

 

 

VALENTIN : Les tabacs ils vont plus avoir de métier, tout le monde va arrêter de fumer.

 

 

MARION : Yohan ? Qu’est-ce que t’aimes et qu’est-ce que t’aimes pas dans ta famille ?

 

 

YOHAN : Mon père. Parfois il est casse couille.

 

 

MARION : Vos parents, ils sont relous en règle général ?

 

 

VALENTIN : Ouais, moi ils me coupent la connexion.

 

 

LUCAS : Eh bah, tu la rallumes !

 

 

MARION : Quoi d’autre ?

 

 

LUCAS : Moi quand je dois faire quelque chose, je dis : « Attends deux minutes ! » Et tout le temps, quand y a un truc qui traîne, je dois le faire. Alors qu’elle peut attendre, on va pas mourir.

 

 

MARION : Dimitri ?

 

 

DIMITRI : Quoi ?

 

 

MARION : Qu’est-ce que t’aime pas ?

 

 

            DIMITRI : Mes parents.

 

 

SYLVAIN : Genre.

 

 

SOPHIE : Bah, ça peut arriver.

 

 

SYLVAIN : T’es obligé d’aimer tes parents, sinon tu serais pas né.

 

 

MARION : Et toi Mathilde, qu’est-ce que t’aime pas ?

 

 

MATHILDE : Le gadjo à ma mère.

 

 

LUCAS : Ouais, c’est chiant les beaux-pères.

 

 

MARION : Il t’empêche de sortir ?

 

 

MATHILDE : Il empêche rien du tout. C’est juste il parle mal.

 

 

SYLVAIN : Mais c’est normal, c’est pas ton daron !

 

 

MATHILDE : Mais je lui dis en plus !

 

 

SOPHIE : Alors, elle se venge ! Elle lui pique son fromage, elle lui pique son Coca…

 

 

MATHILDE : Bah, j’lui pique ses affaires, t’as vu. Il est routier, alors la semaine, il est pas là. Il fait ses courses et je lui pique ses trucs dans le frigo.

 

 

SOPHIE : Mathilde lui rappelle que le frigo n’est pas à lui !

 

 

 

(Rires.)

 

 

 

MARION : Et toi Valentin ?

 

 

VALENTIN : Bah j’sais pas. En vrai, chez mon père j’suis posé, j’fume, j’ai la connexion et c’est tout quoi.

 

 

SYLVAIN : T’as la belle vie quoi ! Le daron qui fume, la daronne qui fume…

 

 

SOPHIE : Tu fais des choses avec ton père ?

 

 

VALENTIN : Mon daron il dort toujours. J’sais pas c’qu’il fout de sa vie. Il sait rien faire.

 

 

 

(Silence)

 

 

 

MARION : Et vous, vous voulez avoir des gosses un jour ?

 

 

VALENTIN : Ah ouais ! Ouais, mais pas maintenant. Dans dix, quinze ans à peu près.

 

 

LUCAS : T’es ouf toi !

 

 

VALENTIN : Bah quoi, t’auras trente ans à peu près.

 

 

LUCAS : Mais tu crois que je vais faire un gosse à trente ans, moi ? A 18 ans, tu travailles, t’as ton permis, tu fais un gosse frère. Même là, j’aurais des sous, je fais un gosse. Mais c’est vrai quoi ! Faut juste avoir des sous pour s’occuper du gosse. En plus là, j’kifferai l’avoir maintenant. Ce serait un peu mon petit frère.

 

 

MARION : Qui aimerait avoir des gosses maintenant ?

 

 

MATHILDE ET SYLVAIN : Moi !

 

 

SYLVAIN : Enfin, pas maintenant, mais … Dans 5,6 ans même pas.

 

 

LUCAS : Moi, dès que j’ai une voiture, c’est bon.

 

 

SOPHIE : Lucas, repositionne toi. Repense à la petite fille à Limoges.

 

 

LUCAS : Quelle petite fille ?

 

 

SOPHIE : Le baby-sitting.

 

 

LUCAS : Ah c’te pute là ! Ah ouais, mais non. Déjà elle chie dans sa vieille couche là. Y a mon collègue, il dit quoi là ? Il dit : « Prends la couche. » Vas-y, ça m’a dégoûté. Ça puait de ouf.

 

 

SOPHIE : Vous vous projetez trop loin dans l’idée d’être parent. Avant ça, y a les couches et tout le reste.

 

 

LUCAS : Déjà, dis-toi, y avait plus d’enfants que prévu, parce que vu le nombre de chat qu’y avait dans l’appart, laisse tomber. On les a tous mis sur le balcon, y en a même un qui est tombé. La voisine, elle a filmé.

 

 

SOPHIE : Mathilde, toi qui veux être maman. T’as déjà réfléchi à l’éducation de tes enfants ?

 

 

MATHILDE : Attends, j’réfléchis …

 

 

SYLVAIN : Moi je l’éduque bien. A 16 ans, il aura même pas trempé son biscuit ! Non, mais j’te jure !

 

 

MARION : Si t’as une fille, tu lui dis quoi ?

 

 

MATHILDE : Fais belek au gadjo.

 

 

LUCAS : Moi, y aura pas de fille. J’en fais dix s’il faut et je les congèle, mais y a pas de filles.

 

 

MATHILDE : Mais t’as pas le choix ! Tu peux pas choisir !

 

 

LUCAS : Non, mais j’rigole. J’aurais une fille, nike sa mère. J’aurais le sum t’as vu. C’est mieux d’avoir un gars.

 

 

VALENTIN : Moi, un garçon et après une fille.

 

 

YOHAN : Moi un gars.

 

 

DIMITRI : Moi j’m’en bats les couilles.

 

 

MARION : On va essayer un truc- parce que vous êtes capables de vous projeter dans le futur- on va écrire une lettre…

 

 

LUCAS : Non mais c’est long le futur !

 

 

MARION : Moi à 15 ans, je trouvais ça long le futur. J’voulais des gosses et tout. J’ai 29 ans et j’en ai toujours pas.

 

 

LUCAS : T’en as toujours pas ?! Mais tu vas les faire à quel âge ? A 60 ans ?

 

 

 

(Rires.)

 

 

 

MARION : Vous allez écrire une lettre à votre gosse, pour le futur. Pour demain.

 

 

LUCAS : Bah ouais, mais il est pas vivant alors.

 

 

SYLVAIN : « Salut, t’es né, j’te souhaite une bonne vie. » Et hop !

 

 

MARION : C’est quoi une bonne vie ? Prenez une feuille …

 

 

 

 

 

Lettres à l’enfant que j’aurai demain :

 

 

 

Mathilde :

 

 

Chère Kenza,

 

Maman te souhaite tout le bonheur avec un père et une mère présente.

 

D’avoir une bonne santé avec tous tes cousins et tes cousines.

 

T’inquiètes, on ira au camp. T’auras un camping Minnie ma fille et te marave pas avec ton frère le Mayron, sinon papa y vous met une branlée.

 

Fais attention à toi, mais on sera toujours derrière toi.

 

 

 

 

Sylvain :

 

 

Cher bébé,

 

Je te souhaite que du bonheur.

 

Que tu travailles bien, que tu aies un beau métier.

 

Je serai toujours là pour toi, de faire le max de choses ensemble.

 

J’aimerais pas que tu fasse comme moi, que t’ailles en cours, que tu réussisses ta vie. On voyagera partout en caravane.

 

 

 

Lucas :

 

 

Cher Taizer.

 

Je te souhaite la vie de rêve. Je t’achèterai ce que tu veux, tu pourras faire ce que tu veux, mais pas te faire choper.

 

 

 

 

Yohan :

 

 

Cher enfant,

 

Je te souhaite tout le bonheur du monde, d’être en bonne santé et d’avoir tes deux parents ensemble, d’avoir des potes, d’avoir une moto. Tu pourras faire ce que tu veux, mais pas trop. Tu fumes des clopes si tu veux mais pas de joints. Tu pourras sortir le soir avec tes potes.

 

 

 

 

Dimitri :

 

 

Cher enfant,

 

Je te souhaite la meilleure des vies (avoir une bonne santé, ne pas fumer, faire ce que tu veux, pas trop de conneries.)

 

 

 

 

 

Valentin :

 

 

Cher enfant,

 

T’apprendras plus tard que la vie est difficile, ne baisse jamais les bras, fais attention à tes potes car ça parle beaucoup et puis fume pas des clopes. Et puis si tu bois, bois seulement à partir de 15 ans et avec modération. Après, taffe en cours, car mon argent coule pas. Et puis trouve une meuf.

 

 

 

 

                                               **************

 

 

 

LUCAS : Et toi, t’aimerais qu’il soit comment ton gosse ? T’aimerais une fille ou un gars ?

 

 

MARION : Ça je m’en fous.

 

 

LUCAS : Ah ouais ?!

 

 

MARION : J’aimerais qu’il ait l’occasion de rencontrer pleins de gens, qu’il puisse voyager, qu’il puisse faire les études qu’il a envie de faire…

 

 

LUCAS : Et s’il aime pas les études ?

 

 

MARION : Eh bah, on trouvera autre chose. C’est pas grave.

 

 

LUCAS : Il ira en classe-relais. Avec Sophie. Moi j’ai fait de très grandes études dans ma vie. J’suis allé jusqu’en 3ème. C’est pas mal. J’ai redoublé la sixième. Là je devrais être en quoi ? C’est quoi après la 3ème ?

 

 

VALENTIN : Seconde.

 

 

            MATHILDE : Moi je devrais être en 4ème.

 

 

 

 

                                    *****************

 

 

 

LUCAS : Moi mon gosse, quand il sera bébé, je lui parlerai pas mal. Comme ça, il pleurera pas.

 

 

SOPHIE : Mais si tu as un fils comme toi, tu diras quoi ?

 

 

LUCAS : « Moi j’suis ton père et toi t’es mon fils, donc t’es mon commis. »

 

 

 

(Rires.)

 

 

 

                                    ***************

 

 

 

 

SYLVAIN : Eh, j’ressemble à qui, moi ?

 

 

SOPHIE : Bah, je sais pas. Je connais pas ton père.

 

 

MARION : Et toi Lucas, tu ressembles à qui ?

 

 

LUCAS : A mon père.

 

 

MARION : Et toi ?

 

 

VALENTIN : En physique plus à ma mère et caractère, mon père. Il est violent. Quand je suis énervé, j’peux être comme lui. Mais après j’arrive à me contenir et pas frapper les gens quand j’suis énervé.

 

 

 

MARION : Et au niveau du caractère, vous ressemblez à qui ?

 

 

Réponse générale : A mon père, ah ouais.

 

 

MARION : Tu dirais qu’il est comment ton père, Mathilde ?

 

 

MATHILDE : Caractère fort.

 

 

MARION : T’estimes que t’es violente toi aussi ?

 

 

YOHAN : Ah ouais elle est violente !

 

 

SYLVAIN : Ah ! C’est la victime qui parle !

 

 

SOPHIE : Tu dirais qu’elle a quel caractère Mathilde ?

 

 

YOHAN : Impulsive. Après, elle est posée dès fois, mais faut pas la faire chier.

 

 

MARION : Toi, Sylvain ?

 

 

SYLVAIN : Pareil.

 

 

SOPHIE : Allez, c’est toi qui la connaît le mieux.

 

 

 

(Rires.)

 

 

 

SYLVAIN : Bah, j’sais pas ! Dès fois elle est chiante. Dès fois elle est sympa.

 

 

MARION : Et toi Mathilde, tu dirais quoi sur Sylvain ?

 

 

MATHILDE : Bah, il est casse couille. Mais en vrai, il est gentil. Il est calme.

 

 

SOPHIE : Et toi Yohan ?

 

 

DIMITRI : Il vient de la campagne. Il baise des vaches.

 

 

SOPHIE : C’est pas un trait de caractère.

 

 

MATHILDE : C’est une victime un peu. Moi je le mets par terre quand je veux.

 

 

YOHAN : J’pense que je suis influençable. Genre, tu vois, si quelqu’un me dit de faire ça, bah je vais le faire parce que c’est mon pote.

 

 

LUCAS : Faut pas être influençable, tu vas te retrouver que dans des galères. Faut pas écouter les gens, ils veulent que ton mal. Les gens se sont des putes. Moi j’te le dis.

 

 

 

(Silence.)

 

           

 

MARION : Vous avez rencontré des gens sympas dans votre vie ?

 

 

LUCAS : Mon meilleur ami. Même si on a fait grave de la merde, nike sa mère. C’est mon meilleur ami.

 

 

MATHILDE : Moi c’est mon gars.

 

 

MARION : Toi Dimitri ?

 

 

DIMITRI : J’sais pas.

 

 

VALENTIN : Moi, c’est quelqu’un qui fait grave de la merde maintenant, mais, j’sais pas, elle m’a calmé. C’est mon ex. Même si maintenant je la respecte plus, elle m’a fait grave changé.

 

 

LUCAS : Si une meuf elle réussit à te calmer, c’est pas pour rien.

 

 

MATHILDE : C’est ta femme.

 

 

 

                                     **************

 

 

 

LUCAS : Moi mon père je l’ai pas trop connu franchement.  Il me mettait des gros plans quand j’allais chez lui et il allait au bar.

 

 

VALENTIN : Ouah, c’est chaud.

 

 

MARION : Et tu le vois encore ?

 

 

LUCAS : Il est mort.

 

 

 

                                   ****************

 

 

RAP DE LUCAS :

 

 

 

Fait bellek le terrain i les miner

 

Suis au charbon

 

La j’roule un teh

 

Y’a mon ékipe elle est dèrriere

 

Tu parle de nous tu verras

 

Bien

 

Les consèquences

 

Le charbon sa maille

 

Mais L’OPJ elle est pas

 

Comptent

 

J’visser le juge en plein

 

Jugement

 

J’barode le soir

 

Dans un sal état survet de

 

Zonard

 

Je rabbat les yenclar

 

Tout s’qu’on dit on le fait

 

Arrèter dvous faire des ptn

 

D’vie

 

J’repense a mes freres

 

Enfermer en cellule en depot

 

On a pas choisie cette vie

 

Mes potos faut s’y faire

 

S’y ya embrouille sa t’sort le fer

 

Sur ta tête

 

Sa saute sur ta porte

 

A 6h comme prévue

 

 

 

Fait bellek

 

S’y y’a boloss fouille le

 

C’est un indique nike le

 

Si t une pouki

 

Fait bellek sa t’sort le fer

 

A 3 sur toi tu peut rien faire

 

3h du mat voiture d’condet

 

Sa va trop loin y faut s’tailler

 

Ftg au procès

 

Faut pas parler aus condet

 

 

 

 

 

                                    **************

 

 

 

 

 

Enregistrement Brive

 

 

3ème jour :

 

 

Travail de réécriture autour de Roméo et Juliette / Faire des rimes d’après le slam de Grand Corps Malade  Roméo kiffe Juliette 

 

 

 

MARION : Vas-y …

 

 

SYLVAIN : Mais ça a pas de sens, hein !

 

 

«  J’ai caché la mobylette,

 

Parce que j’me suis fait roquette.

 

 

Le métro,

 

Me fait mal au dos. »

 

 

            LUCAS : « Oh Roméo, dis-moi la météo. »

 

 

MARION : Qu’est-ce qu’il peut lui dire Roméo ?

 

 

SYLVAIN : « J’aime les cacahuètes. » Ça rime.

 

 

LUCAS : Et on est sensé faire quoi avec ça ?

 

 

MARION : Eh bah on va réécrire Roméo et Juliette en s’inspirant de la chanson qu’on vient d’écouter. Donc, du coup, on dit qu’ils se rencontrent dans le métro. Et ensuite ?

 

 

SYLVAIN : Ils mangent des cacahuètes.

 

 

LUCAS : Et Juliette dit : « Oh Roméo ! Mange pas mes cacahuètes. » Ça rime ?

 

 

MARION : Bah non, pas vraiment.

 

 

LUCAS : Ça veut dire quoi « parce que j’me suis fait roquette » ? C’est « parce que j’me suis fait carotte » ?

 

 

MARION : C’est une expression inventée par Sylvain.

 

 

LUCAS : C’est bizarre comme rap. 

 

 

MARION : Bon, et ensuite, qu’est-ce qu’il se passe ?

 

 

YOHAN : On dit que c’est Juliette qui chine Roméo.

 

 

SYLVAIN : Et Roméo dort dans le métro.

 

 

LUCAS : Bon après ils sortent, ils vont pas rester dans le métro toute leur vie.

 

 

SYLVAIN : Ils vont au bâtiment 3.

 

 

LUCAS : Pourquoi ils vont dans le bâtiment 3 ?

 

 

SYLVAIN : Pour faire l’amour.

 

 

YOHAN : Ça va un peu vite là !

 

 

VALENTIN : Faut faire des rimes comment ? Croisées ? Embrassées ?

 

 

SOPHIE : Merci d’être venu Valentin.

 

 

VALENTIN : T’inquiètes.

 

 

DIMITRI : On peut faire une pause ?

 

Réécriture de Roméo et Juliette

D’après Roméo kiffe Juliette de Grand Corps Malade

 

 

 

 

 

1.      La rencontre

Roméo dort dans le métro

 

Juliette le regarde comme une pro

 

« Eh Roméo ! Dis-moi la météo. »

 

Ils sortent du métro

 

Et vont au bâtiment trois

 

Parce que dehors, il fait froid.

 

 

 

 

 

2.      Le baiser du bâtiment 3

Ils s’embrassent

 

Face à face

 

Le père de Roméo voit ça

 

Et met son fils à plat

 

A Juliette, il dit : « Rentre chez toi

 

Et fais une croix sur cet endroit ! »

 

Elle regarde Roméo et lui dit : « Casse toi ! »

 

 

 

 

 

       3.      Juliette veut trouver une cachette

 

 

 

Elle vit au bâtiment 4 bis

 

Chez elle, ça vend du cannabis

 

A côté de l’hôtel Ibis.

 

Là-bas c’est vrai que ça sent la pisse.

 

Elle aimerait faire un feu d’artifice

 

Qui dirait : « RDV au bâtiment sept. »

 

 

 

Juliette la beurette

 

Veut trouver une cachette

 

Pour faire un tête à tête

 

Pendant que Paulette appuie sur la gâchette

 

Pour une histoire de plaquette.

 

 

 

      4.      Les retrouvailles

 

 

 

Roméo le romantique

 

Veut sa Juliette pour qu’ils nikent

 

Et l’emmener dans un lit

 

Loin. Peut-être en Syrie.

 

 

 

Pour ça, il la trouve rue des Douves

 

A côté des égouts

 

Enterrée dans un trou

 

Au milieu des fous

 

Au milieu des loups

 

Il la déterre

 

Il est grave deter :

 

« Faut détaler ! »

 

 

 

      5.      La fuite

 

 

 

Ils sont sur l’autoroute

 

La A4012, c’est le mois d’août

 

Pour eux, c’est la déroute

 

Faut faire un détour

 

Disparaître dans une tour

 

Là-bas, ils font l’amour

 

 

 

Dehors, il y a la foule

 

Alors, ils se mettent en boule

 

Pour se cacher.

 

 

 

      6.      La mort

 

 

 

C’est la mort assurée

 

La terre s’est mise à trembler

 

Ensemble, ils décident de sauter

 

Les familles aimeraient les rattraper

 

 

 

Mais le vent les emporte

 

Au Paradis, les escorte

 

 

 

Les parents ont la haine

 

Ils aimeraient briser les chaînes

 

De leur héritage.

 

Aujourd’hui, ils veulent tourner la page.

 

 

 

                        ************

 

 

 

LUCAS : Ça fait 25 minutes qu’on est là !

 

 

MARION : Allez, essayez de trouver une phrase ! Après, fin de l’atelier.

 

 

VALENTIN : Mais on a trop travaillé ce matin !

 

 

LUCAS : Allez, vas-y, je fais une phrase « Dans ma famille, ça sent la vanille. » On met des rimes, allez bas les couilles. J’ai fini ! Quand on a fini on peut partir ?

 

 

MARION : Non.

 

 

SYLVAIN : Moi je l’ai fait dans ma tête.

 

 

VALENTIN : Alors, moi j’ai écrit : « Dans ma rue, y a des détenus. Dans ma famille, ils tombent tous comme des quilles. »

 

 

MARION : Allez, c’est bon. Je vous libère.

 

 

SOPHIE : Avant de partir, vous nous aidez à ranger !

 

 

LUCAS : Bah pourquoi ? C’est pas chez nous ici !

 

 

(Rires.)

 

 

 

 

 

Lettre de Marion

 

J’aimerais vous faire réécrire l’histoire de vos colères, de vos chagrins, de vos injustices. J’aimerais que vous sortiez d’ici avec des mots pour écrire vos rêves.

 

La vie n’est pas une perpétuelle peine de prison, ni un braquage.

 

J’aimerais vous dire que vous êtes formidables et que le destin tient dans vos mains,  mieux qu’un gun. C’est vous qui décidez. C’est vous qui choisissez.

 

J’aimerais continuer à vous voir rire, vous voir sourire de temps en temps sous vos casquettes et vos capuches.

 

J’aimerais vous envoyer des Snaps tous les jours pour vous encourager à vous battre. Merde, vous avez des armes. La colère c’est une arme pour dire vos maux et pour qu’on vous entende.

 

Merde, je suis en colère de vous quitter aujourd’hui parce qu’on aurait pu faire encore un bout de chemin ensemble et aller au Lac et faire des barbecues et jouer au foot.

 

Merde à vous pour la suite. Comme on dit au théâtre.

 

La vie, c’est pas qu’être un voyou. Même si c’est cool, y a pas que ça.

 

La vie, c’est dire tous les jours qui on est, comment on se sent et transmettre ce qu’on a appris même dans le pire, même dans le mieux.

 

Alors, levez-vous de vos chaises et prenez des armes qui ne tuent pas, 

 

Pour qu’on vous entende.

 

 

 

Janvier 2019 - Manuel Antonio Pereira - Rivet (Brive) - Avec Les Francophonies

Manuel Antonio Pereira, né au Portugal et ayant fait ses études en France, est d’abord devenu éducateur (banlieue de Lyon, commune de Pierre-Bénite), puis est entré à l’INSAS à Bruxelles dans la section «Mise en scène », en 1992. Depuis cette date, il vit et travaille à Bruxelles, se partageant entre écriture et mise en scène. Ayant écrit principalement pour le théâtre, quatre de ses textes ont été publiés aux éditions Espaces 34 : Requiem pour une cascadeuse, Mythmaker (prix Sony-Labou-Tansi), Permafrost (Prix des metteurs en scène) et Berlin Sequenz. Il a bénéficié de plusieurs résidences d’écriture : Chartreuse de Villeneuvelez- Avignon, CEAD de Montréal, La Maison des auteurs à Limoges, Literarishe Colloquium Berlin (à deux reprises)… 

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